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NYOTA
2 septembre 2006

Premières traces

archivesJO1 Cette lettre naïve à l'écriture maladroite est datée, au verso, du premier janvier 1910. C'est le plus ancien document manuscrit que je possède de mon père. En lisant ses voeux de l''an neuf qu'il présente à sa marraine, plusieurs choses me frappent. Ce sont, tout d'abord, des voeux qui lui sont dictés. Un enfant ne parle pas comme cela. Puis, mon père parlait plus souvent le wallon que le français. L'orthographe singulière de la lettre me frappe aussi, sans me choquer. Mon père a cessé l'école à l'âge de douze ans. Ce qui m'amuse, c'est que cette petite missive tord le cou au cliché qui veut que "jadis, on ne faisait pas de fautes d'orthographe". Idée bien ancrée dans la tête des gens alors que de nombreuses études ont prouvé le contraire. Quand il graphie cette lettre, le petit garçon a neuf ans et demi. Le plus étonnant, c'est que le petit garçon parle du bon Dieu. C'est un paradoxe qui m'a toujours étonné dans le milieu profondément anti-clérical des mineurs serésiens: leur haine de l'Eglise allait souvent de pair avec une certaine vénération mi-religieuse, mi-superstitieuse. Ainsi, à douze ans, le petit garçon, comme son frère aîné, a-t-il fait sa Grande communion. À l'église donc. À genoux devant cet homme en robe noire que sa famille, son quartier, ses camardes détestaient. C'était une fête importante. Le lendemain, il fallait se lever très tôt. Il faisait encore nuit. La mère avait préparé le "briquet". Tous les enfants du quartier savaient ce que signifiat ce mot: le lendemain de la fête, c'était la première fois qu'ils rejoindraient leur père à la mine. À l'époque, on y travaillait encore six jours sur sept. Ils savaient qu'ils ne feraient plus la lumière du soleil que certains dimanches d'été. Alors, cette communion avec un Dieu auquel ils ne croyaient guère, les enfants d'alors. Cette communion come un rite de passage. Demain, ils seraient des gueules noires.
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NYOTA
  • Carnet de bord et impressions d'un voyage en cargo depuis Anvers jusqu'à Cape Town. Puis, par la route, de Cape Town à Tschwane (anciennement Pretoria). Et puis retour à Liège, hélas. La plus laide ville du monde.
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