11 septembre 2006
Les colons
Ce n'est pas une photo de famille. Je l'ai trouvée dans un dossier acheté pour deux sous dans une brocante voici plus de vingt ans. Je ne connais pas ces gens. Ils sont arrivés au Congo avant la première Guerre Mondiale. Cette photo doit avoir été prise aux environs de 1912. On le voit, certains colons ont sans doute trouvé très vite leurs repaires dans ce pays en construction. Mais sans doute en avaient-ils déjà en Belgique. Il est rare que l'on devienne riche. Bien souvent, on ne fait que prospérer. Pendant que le patron jouit d'un peu d'ombre, les ouvriers attendent.
Souvent, durant mon adolescence, et même encore plus tard, j'ai souffert des sarcasmes de certains étudiants quand ils apprenaient que j'étais né au Congo. J'étais un fils d'une de ces ordures de Blancs qui avaient fait fortune en massacrant sans pitié les Noirs. Non, mon père n'est pas revenu ruiné en fuyant les "Evénements". Il quittera le Congo le 21 mai 1959. Avec une femme, un enfant de pas encore deux ans. Ni riche, ni pauvre. Tout simplement la vue en moins. Pour services rendus à son employeur, il recevra une montre bracelet Jaeger-le-Coultre. Pourquoi pas une paire de Ray-Ban? me suis-je souvent demandé.
J'ai eu l'occasion, à plusieurs reprises, de lire des ouvrages sur la vie dans la colonie. Des ouvrages de nostalgie écrits dans un style le plus souvent médiocre et plus ou moins teinté de racisme parfois ordinaire, plus souvent très profond. D'autres, beaucoup plus rares, montrant le "bon Blanc" qui avait tout compris de la mentalité africaine, qui savait leur parler, les comprendre. Mais, là aussi, le style narcisso-nombrilique des auteurs avait quelque chose de très vite ennuyeux. Je n'ai encore jamais trouvé un livre lucide ou intelligent sur le sujet. Mais peut-être que l'atmosphère des Tropiques n'incite guère à la littérature.
De plus en plus souvent, il m'arrive de penser aux enfants allemands nés après la deuxième guerre (parler de seconde serait trop optimiste). Auraient-ils une parenté lointaine avec ceux des colons? Dans cette mégalomaniaque aventure que représenta la "construction" du Congo, mon père ne fut qu'un pion. J'ai appris dernièrement que l'avenue dans laquelle il habitait quand je suis né était réservée aux ouvriers. Les cadres, les instituteurs, etc vivaient dans d'autres quartiers et ne se côtoyaient guère semble-t-il. Une sorte de ghetto implicite, voire invisible. Qui semblait aller de soi. Je n'ai jamais entendu mon père s'en plaindre. Peut-être parce que, tout simplement, il ne l'avait jamais remarqué.
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