Les colons (suite)

Cette photo provient toujours du dossier acheté sur une brocante. Elle a été prise au début des années 1920. Au verso, d'une écriture très élégante, un homme écrit à son frère: Pour ma part ici tout marche bien cette photo me represente (sic) avec mes 9 zebres (sic) a (sic) mon travail en brousse. Où l'on voit que le mythe de l'orthographe infaillible d'alors en prend encore un coup. Des zèbres donc. Oh, cela peut ne pas paraître bien méchant. Mais, à voir l'attitude dominatrice du non-zèbre, il est permis d'en douter un peu. Dans ces années-là, la chicote était encore parfois utilisée. Un travail mal fait et ça vous zèbrait le corps vite fait. Dans les années soixante, le mot "nègre" n'avait pas encore le sens injurieux qu'il a acquis aujourd'hui. Personne ne s'offusquait lorsque Léo Ferré chantait "Dieu est nègre". Revenu en Belgique, il arrivait parfois que d'anciens compagnons de travail de mon père viennent lui rendre visite. Bien entendu, c'était là prétexte aux souvenirs. Je ne comprenais pas pourquoi certains de ces hommes parlaient de "sales nègres", de "morticots" (singe, en wallon), de macaques et autres noms d'animaux. Je n'ai jamais entendu mon père parler de la sorte. Je ne tiens pas à en faire le portrait d'un saint, mais c'est la vérité. Quand ses invités abordaient le chapitre des "mwanamuke" (femmes), il était temps pour moi d'aller voir si les poules n'avaient pas pondu dans le fond du jardin. J'eu l'occasion, bien des années plus tard, de rencontrer un ancien colonial qui, dès les années 20 avait développé une immense fortune, plus d'une centaine de maisons et beaucoup plus de "mwanamuke". Pour lui, ce n'était pas vraiment des conquêtes. Non, de simples guenons qu'il appelait des "aspirateurs" et qui étaient d'autant plus dociles qu'elles n'avaient pas encore quatorze ans pour les plus âgées et les moins délurées d'entre elles. À la limite, en l'entendant, on aurait pu croire qu'il n'était que zoophile. Quant à la pédophilie, l'idée ne lui effleurait même pas l'esprit: elles avaient leurs choses dès l'âge de huit ans. Alors... Bah, loin du sol natal, on peut tout de même se permettre certaines distractions. Non?